vendredi 17 décembre 2010

Une transition, et alors ?

Je pense qu'il est important dans le cadre d'une transition de continuer à vivre le plus normalement possible. La transition est une partie de la vie, non un but dans la vie.
Pour ma part, je m'efforce de continuer de faire vivre mes passions, la musique, l'écriture et d'essayer de ne pas me focaliser sur la transition. forcément. Car si j'oriente toutes mes pensées vers la transition, je me place en équilibre au bord d'un gouffre sans fond. Je préfère me voiler la face et ne pas penser au désespoir de ne jamais être cisgenre, normal, entier. Je ne suis pas dans la norme, déjà, par tout ce que je suis et ne suis pas, ma personnalité, mes goputs, je n'entre pas dans le cadre.
Fuir la peur d'être déçu du résultat, garder patience face à la lenteur du changement.
Mon premier défi est d'essayer de m'alimenter correctement. J'ai depuis longtemps un trouble alimentaire de type boulimie/anorexie. En ce moment, c'est le deuxième aspect qui prime. La faim ne se rappelle à moi que lorsque je suis au bord de tomber dans les pommes. Là, je dois me forcer à ingérer de la nourriture, ce qui immanquablement me donnera une forte envie de vomir. Serrer les dents, au sens propre du terme, pour assimiler quelques nutriments afin de ne pas finir anémique. C'est vraiment difficile. La bouffe devient un médicament.
Heureusement, une fois de plus, que mon compagnon est là sinon je crois que je ne m'alimenterai pas. Mon corps me dégoûte de plus en plus à mesure que j'avance dans la transition, ces courbes féminines, ce gras féminin bien écœurant, la peur de manger pour enrichir ce gras, cette mollesse. J'essaie de faire de la muscu, je me défonce le dos, les genoux, mais le tout est de bruler ce que je ne peux voir. Sans énergie alimentaire, c'est quasiment impossible. Je le sais pertinemment mais je n'arrive pas à manger comme je le devrais. Je perds du poids, à nouveau. Ma peau perd de sa qualité, mes cheveux également, mais je gruge par divers artifices cosmétiques pour que cela ne se voit pas. Faut-il que je perde mes dents pour prendre conscience que je me tue à petit feu ?
Ce qu'il y a de partir avec ce trouble, c'est qu'il est contrebalancé par les phases boulimiques sans vomissement. Là, je prends du poids, de l'avance sur ce que je perdrais quand je serai en phase anorexique. Personne ne voit rien, je n'entre pas dans l'archétype du squelette ambulant.
Ce trouble est l'un de mes plus grands tabous, mais j'ai décidé qu'il deviendrait ma vraie lutte, mon véritable but. On ne guérit jamais, mais on peut le gérer. Sans doute en me réappropriant mon corps. Ne plus percevoir la bouffe comme un médicament, mais cette transition qui va faire de moi ce que je suis vraiment. Je sais que je peux y arriver. J'ai assez de recul pour cela. J'ai l'habitude de la douleur dans ce corps défaillant aux articulations malades. Si je surmonte ce trouble alors j'aurai remporté la première victoire sur moi, avant même la mutation vers mon état d'homme.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire