vendredi 31 juillet 2009

Lettre II

Cette lettre est destinée à mon compagnon dont j'ai changé le nom par souci d'anonymat.
Comme la première, elle est réutilisable et critiquable.
" Mon Amour,
Par lâcheté, par crainte ou que sais-je d'autre, je préfère t'écrire ces mots que je te lirai peut-être si j'en trouve le courage. Il faut avant tout essayer de me promettre de ne pas paniquer et de tenter de comprendre.
Je ne sais pas par où commencer, ni quels mots pourraient être adéquats. Il faut avant tout que tu saches que je t'aime, même si je ne le dis pas souvent.
Depuis que je suis avec toi, je lutte de toutes mes forces pour parler de moi au féminin, écrire au féminin. Je ne sais pas si tu as conscience de l'effort que je fais. Dans notre couple, nous plaisantons souvent sur ce fait : tu es la fille, je suis le garçon. Sauf qu'en réalité, tu es le garçon, et moi aussi.
Je te fais mon coming-out mon pauvre Yann. Tu es gay et tu devras l'assumer si tu m'aimes encore après cette lettre.
J'ai décidé d'arrêter de me voiler la face, de me déguiser en fille, d'adopter une personnalité qui n'est pas la mienne. Tu es le mieux placé pour savoir que je rejette mon corps. Tu ne le sais peut-être pas mais je ne me reconnais pas toujours dans le miroir, et rarement en photo. Je sais que tu aimes la femme que je suis mais à l'heure actuelle, le garçon qui hurle en moi veut revenir sur le devant de la scène.
Je ne veux plus de ces nuits d'insomnie où je rêve éveillé et prie pour qu'enfin je me réveille garçon, que je suis né garçon, que rien ne change autour de moi car tout le monde me connait et reconnait comme tel mais la réalité est différente, comme toujours. Il y a longtemps que je sais que je peux changer et aujourd'hui, je veux entamer les procédures. Je n'ai plus rien à perdre. Si je ne le fais pas, la dépression me détruira.
J'imagine que tu penses que c'est à cause d'elle que je fais ce choix. L'œuf ou la poule, qui est le premier ? Je penche pour l'erreur d'assignation sexuelle engendrant la dépression. De toute façon, je vais retourner voir un psychiatre, c'est la procédure, et je pourrai démêler tout ça.
L'idée même de changer me porte à nouveau et vivre au-delà de trente ans me semble une idée cohérente, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
J'ai besoin de toi, terriblement besoin de toi. Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie qu'en ce moment car je sais que je peux absolument tout perdre. Beaucoup ne me comprendront pas et disparaîtront de ma vie. Si toi aussi tu fuis, que vais-je devenir ? Je n'ai pas le droit de t'imposer d'aimer les hommes. Je veux juste que tu m'aimes, moi, en tant qu'individu et pas en tant qu'être humain sexué. Si tu veux partir, je ne mendierai pas ta pitié, encore que, je n'en suis même plus sûr.
A l'heure où j'écris ces mots, quelque trois ou quatre heures du matin, je crois que je n'ai jamais autant appréhendé un moment, jamais autant pleuré. Quand je sais que ce n'est que le début, j'ose à peine imaginer mon parcours si tu n'es plus là. J'espère trouver le calme nécessaire pour t'expliquer cela avec des mots spontanés, sans crise d'angoisse, sans lire la peur ou le dégoût dans tes yeux.
Si tu veux du temps pour réfléchir, sache que je te le donne, c'est la moindre des choses. Je te demanderai juste de n'en parler à personne sauf à ceux qui le sauront ou à d'autres FtM comme moi que tu pourras contacter par le biais d'un forum. Les premiers comprendront ton désarroi, les seconds t'aideront à comprendre que je ne suis ni dingue, ni malade.
Ce temps, je te demande de me l'accorder en retour car cette révolution m'est pénible et m'arrache le cœur.
Je t'en demande sans doute trop, bien au-delà de ton amour patient et compréhensif qui fut ma bouée de sauvetage ces deux dernières années. Si tu ne veux pas de ce poids, j'essaierai de comprendre et d'accepter mais je disparaîtrai sans doute de ta vie. Crois-moi, si j'ai conscience que c'est dur et va être dur pour toi, ça l'est tout autant pour moi. Sache juste que je t'aime et qu'au final, c'est la chose la plus importante à savoir."

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