Moi
qui n'aime pas mettre les choses dans des boîtes, les gens dans des
cases, j'aime organiser mes articles de blog afin de ne pas parler de
onze trucs différents dans un seul et même billet. Objectivement, il
faudrait pour cela que je poste plus souvent alors allons-y pour des
news, une chose à la fois, et tâchons d'être synthétique.
J'ai
pris contact avec deux chirurgiens aux USA pour leur demander leur avis
sur mon cas (ou plutôt sur mes miches). Les deux sont catégoriques,
c'est la double qui m'attend. A moi les deux longues cicatrices et je
pourrais concurrencer mes frangins dans un domaine où chacun se défend.
Bizarrement, l'idée des marques ne m'affecte plus alors que je la
rejetais en bloc il y a quelques mois. Peut-être parce que j'ai évolué,
que j'intègre peu à peu que je suis trans, pas bio, et que je dois faire
avec. Qu'une cicatrice, ça peut être très beau, que c'est l'histoire de
mon corps, de mon parcours, et que de toute façon, je ne vais jamais à
la piscine ou à la plage, hé !
Il
me reste donc à contacter le chir français de mon choix, là-bas à
Montauban. Planifier le trajet pour y aller est une réelle épreuve. Je
n'y arrive pas. Je panique, je suis bouffé de stress. Mieux ? Il m'a
répondu par mail en me disant de l'appeler et je n'y arrive pas, je suis
totalement pétrifié. Non pas parce que ça devient concret, bien au
contraire, mais parce que j'en suis encore au stade où sortir de chez
moi est une épreuve, alors organiser un tel périple ! Et surtout, j'ai
vraiment l'impression d'être tout seul dans cette merde, l'impression de
n'avoir aucun soutien. Et ouais, ça pue. Hormis chez mes camarades
trans, personne ne semble mesurer l'importance de cette opération j'ai
l'impression, ça me soûle pas mal. (Ce "personne" désigne les gens de
mon entourage que j'ai appelé à l'aide, pas ceux vers qui je ne me suis,
pour le moment, pas tourné)
Bref.
Restons-en là pour le coup' coup' du haut et passons au bas. Au bas,
oui, moi qui clame à qui veut l'entendre que je ne veux pas de méta ou
de phallo, je me retrouve à tout bonnement péter les plombs face à ma
différence. Avec l'évolution de mon corps vers un masculin de moins en
mois ambigu, je me retrouve à détester ce que j'ai entre les jambes. Je
dois réapprendre que ma sexualité n'est pas féminine malgré ce sexe mais
je n'y arrive pas. Je me sens à chaque fois frustré, j'ai de plus en
plus de mal à prendre mon pied et par-dessus le marché je me sens
vaguement humilié. Alors si j'ai pu les premiers mois de testo
bénéficier d'une libido galopante, je me retrouve de nouveau bloqué,
mais pas comme avant. Avant, il n'y avait rien. Le désert, pas de
libido, c'était facile à régler. Pas de sexe et on en parle plus.
Aujourd'hui, ma libido se temporise mais elle est présente, ce qui
m'inflige une frustration plus grande que jamais. Je ne sais franchement
plus quoi faire. Voir un psy pour en parler ? Peut-être. Je suis un peu
dépassé par les évènements, je ne pensais pas que ce genre de ressenti,
si primaire finalement, m'arriverait un jour.
J'ai
pensé à la fausse queue pour satisfaire mon intellect mais je doute que
cela marche, je n'ai même pas envie d'essayer. J'ai l'impression que
cela ne fera qu'aiguiser ma différence et c'est sans doute plus que je
ne puis le supporter. On va oublier donc. Serrer les dents et faire un
joli sourire. On a toujours été doué pour faire croire que tout va bien.
Le
18 mars est un jour de merde. Sans doute l'un des jours où ma cervelle
bouillonne et travaille le plus. Par je ne sais quelle ironie du sort,
il m'arrive toujours des trucs sordides ce jour-là, et non, ce n'est pas
lié à des beuveries de Saint Patrick, du moins pas toujours. A voir un
cheval se claquer la tête contre les murs de douleur à cause d'une
épaule cassée, le voir mourir sous mes yeux, repeindre le mur taché des
rayures de ses dents et du sang de sa tête, à tout prix repeindre, pour
ne pas que mon amie à qui appartenait ce cheval voit cela. Un bête 18
mars. Comme celui où il est mort, me glissant à l'oreille que c'était la
fin, que c'était trop tard, que je n'avais clairement pas fait assez
pour lui, que je n'avais pas eu le cran de faire ce qui aurait dû être
fait. Quand j'ai dit à mon amie de piquer son cheval pour lui épargner
la souffrance, moi, je n'ai pas su le faire pour le mien. Les miracles
n'existent pas, il n'aurait jamais pu revivre, j'aurais dû faire ce
choix au lieu de le laisser agoniser de cette façon. Allons bon, c'est
du passé n'est-ce pas ? Une erreur à ne pas réitérer ? Eh bien
aujourd'hui mon amie et moi avons de nouveau un cheval sur le fil de la
mort et que doit-on faire ? Un concours de celui qui mourra en premier ?
La compétition de la première euthanasie ?
C'est
formidable, les souvenirs, cela vous crée, vous façonne au burin.
L'être humain est un bloc minéral qui se dessine au rythme des coups de
ciseau de la vie. Sauf que parfois, il y a un coup de ciseau de trop,
qui coupe un bout de plus, un bout de cœur, un bout de bite, qu'importe ?
Rien qu'on ne puisse faire renaître, faire repousser. Serrer les
dents, ouais, je l'ai déjà dit. Serrer les dents et faire comme ci tout
aller bien, se noyer dans l'irréel, le plus possible, sans stupéfiants
cette fois, sans alcool non plus. Oh Lord, je pars en vrille et raconte
ce qui ne doti pas l'être. Allons bon. Restons-en là pour aujourd'hui.
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